"... L’artiste a cheminé longtemps ; il a erré par les voies fausses et les chemins douteux ; mais sa joie éclate enfin ! Le ruisseau d’eau vive coule à ses pieds ; il sourd, en bouillonnant, du vieux chêne creux [« Note ce chêne », dit simplement Flamel au Livre des Figures hiéroglyphiques.].
Ce qui apparaît tout d’abord, c’est la portion volatile, conséquemment vivante, active, pleine de mouvement, extraite du sujet, lequel a pour emblème le chêne. C’est là notre source fameuse dont l’onde claire coule à la base de l’arbre sacré, si vénéré des Druides, et que les anciens philosophes ont nommée Mercure, quoiqu’elle n’ait aucune apparence du vif-argent vulgaire.
Ici, la vérité apparaît voilée sous deux images distinctes, celle du chêne et celle du bélier, lesquelles ne représentent, comme nous venons de le dire, qu’une même chose sous deux aspects différents. En effet, le chêne a toujours été pris, par les vieux auteurs, pour désigner le nom vulgaire du sujet initial, tel qu’on le rencontre dans la mine. Et c’est par un à peu près, dont l’équivalent répond au chêne, que les Philosophes nous renseignent sur cette matière.
Seuls, les initiés au langage des dieux comprendront sans aucune peine, parce qu’ils possèdent les clefs qui ouvrent toutes les portes, que ce soient celles des sciences ou celles des religions. Personne n’ignore que le chêne porte souvent sur ses feuilles de petites excroissances rondes et rugueuses, parfois percées d’un trou, appelées noix de galle (lat. galla). Or, si nous rapprochons trois mots de la même famille latine : galla, Gallia, gallus, nous obtenons galle, Gaule, coq. Le coq est l’emblème de la Gaule et l’attribut de Mercure, ainsi que le dit expressément Jacob Tollius ; il couronne le clocher des églises françaises, et ce n’est pas sans raison que la France est dite la Fille aînée de l’Église. [Manuductio ad Cælum chemicum. Amstelodami, ap. J. Waesbergios, 1688.] Il n’y a plus qu’un pas à faire pour découvrir ce que les maîtres de l’art ont caché avec tant de soin. Poursuivons. Non seulement le chêne fournit la galle, mais il donne encore le Kermès, qui a, dans la Gaye Science, la même signification que Hermès, les consonnes initiales étant permutantes. Les deux termes ont un sens identique, celui de Mercure. Toutefois, tandis que la galle donne le nom de la matière mercurielle brute, le kermès (en arabe girmiz, qui teint en écarlate) caractérise la substance préparée. Il importe de ne pas confondre ces choses pour ne point s’égarer lorsqu’on passera aux essais. Rappelez-vous donc que le mercure des Philosophes, c’est-à-dire leur matière préparée, doit posséder la vertu de teindre, et qu’il n’acquiert cette vertu qu’à l’aide de préparations premières. Quant au sujet grossier de l’Œuvre, les uns le nomment Magnesia lunarii ; d’autres, plus sincères, l’appellent Plomb des Sages, Saturnie végétable. Philalèthe, Basile Valentin, le Cosmopolite le disent Fils ou Enfant de Saturne. Dans ces dénominations diverses, ils envisagent tantôt sa propriété aimantine et attractive du soufre, tantôt sa qualité fusible, sa liquéfaction aisée. Pour tous, c’est la Terre sainte (Terra sancta) ; enfin, ce minéral a pour hiéroglyphe céleste le signe astronomique du Bélier (Aries). Gala, en grec, signifie lait, et le mercure est encore appelé Lait de Vierge (lac virginis). Si donc, frères, vous faites attention à ce que nous avons dit de la galette des Rois, et si vous savez pourquoi les Égyptiens avaient divinisé le chat, vous n’aurez plus lieu de douter du sujet qu’il vous faut choisir : son nom vulgaire vous sera nettement connu. Vous posséderez alors ce Chaos des Sages « dans lequel tous les secrets cachés se trouvent en puissance », ainsi que l’affirme Philalèthe, et que l’artiste habile ne tarde guère à rendre actifs. Ouvrez, c’est-à-dire décomposez cette matière, tâchez d’en isoler sa portion pure, ou son âme métallique, selon l’expression consacrée, et vous aurez le Kermès, l’Hermès, le mercure teingeant qui porte en soi l’or mystique, de même que saint Christophe porte Jésus et le bélier sa propre toison. Vous comprendrez pourquoi la Toison d’or est suspendue au chêne, à la manière de la galle et du kermès, et vous pourrez dire, sans offenser la vérité, que le vieux chêne hermétique sert de mère au mercure secret. En rapprochant légendes et symboles, la lumière se fera dans votre esprit et vous connaîtrez l’étroite affinité qui unit le chêne au bélier, saint Christophe à l’Enfant-Roi, le Bon Pasteur à la brebis, réplique chrétienne de l’Hermès criophore, etc."